Kingdom Come : Deliverance, un jeu vidéo qui vulgarise l’histoire médiévale

Sydfire
Sydfire
Contributeur
Thématique
Moyen-âge
26 mars
2018

Kingdom Come : Deliverance, le jeu vidéo qui nous plonge dans l’univers médiéval mérite une attention particulière. En effet, le joueur est immergé au centre de l’Europe, dans la région de Bohème au début du XVe siècle.

L’aventure débute lors du coup d’état de Sigismond de Hongrie qui emprisonne son frère, Vencelas IV. Ce dernier, roi de Germanie et successeur du Saint-Empire romain germanique a été destitué par les princes-électeurs, car il a été incapable d’administrer le territoire en tant qu’empereur. Sigismond de Hongrie, opportuniste, accapare les territoires de Bohème. À la suite de ces événements, le Saint-Empire s’engouffre dans une période de crise et de confusion.

Si le jeu comporte quelques similitudes avec Skyrim ou The Witcher, Kingdom Come : Deliverance se détache le plus possible des créations fantastiques et nous immerge dans un Moyen-Âge qui respecte les structures sociales et politiques. L’objectif de cet article est de ressortir la moelle historique du jeu et de vous la présenter. Il s’agira de mettre en exergue l’organisation sociale féodale en trois ordres (laboratores, oratores et bellatores).

Attention, si vous ne voulez pas être spoilés, ne continuez plus votre lecture !

L’organisation sociale dans Kingdom Come : Deliverance

L’univers de Kingdom Come : Deliverance aborde le christianisme. Le Grand Schisme d’Occident est relaté par deux roturiers qui remettent en question l’autorité papale : « Faut-il se fier au pape d’Avignon ou à celui de Rome ? » En effet, jusqu’en 1418, deux papes rivaux affirment leur volonté de régner sur l’Église universelle. Cette querelle est donc bien évidemment présente dans la conscience collective dans le jeu.

De plus, nous découvrons les pratiques religieuses : la prière. Lors de l’invasion des armées de Sigismond, une croyante voue sa fatalité à travers ces paroles : « Sainte Marie pleine de grâce, priez pour nous, pauvres pécheurs ».

Autre exemple, la bonté est une qualité morale qui porte à faire le bien envers autrui. C’est pourquoi le seigneur Toth abuse de la bienveillance de la femme de Divish de Talmberg. Cette dernière, naïve, l’accueille en son château afin de remplir son devoir religieux. « Tout chrétien doit aider son prochain lorsqu’il est dans le besoin », prononce-t-elle. Bref, la dimension spirituelle est omniprésente dans le jeu !

À Rattay, une réunion a lieu dans un réfectoire, où les individus de la haute sphère politique se rassemblent (haute-noblesse, basse-noblesse, et clergé séculier). Durant les divers échanges, nous remarquons un cliché de la figure du prêtre : un personnage qui s’en tient uniquement aux affaires spirituelles, qui demeure peureux face aux réalités des guerres et qui dispose d’une richesse conséquente si nous nous tenons aux injures du type suivant : « Les corbeaux et les loups se feront un festin de votre corps grassouillet ».

Serait-ce un préjugé injustifié ? Peu importe, le moine se positionne dans une hiérarchie considérable. Il est parfois question d’obsèques sanctifiées afin de réduire le séjour au purgatoire des morts. La mortalité est un phénomène récurrent (guerres, épidémies, conditions de la médecine, forte mortalité infantile) et le salut éternel garantit à celui qui exerce sa foi.

Kingdom Come : Deliverance : un jeu vidéo qui vulgarise l’histoire médiévaleHenry dans le rôle du moine copiste

De plus, ce côté spirituel peut être aperçu chez les oratores : ceux dont leur fonction consiste à mener une vie pieuse. Nous aurons toutefois la chance de découvrir le clergé régulier (les moines) voire d’intégrer un monastère afin de nous imprégner de cette dimension.

L’entrée au monastère est d’ailleurs contraignante pour notre « héros ». Il doit prêter serment, déposer tous ses biens d’ordre matériels, se conformer aux règles internes, changer de nom et être soumis à un ordre du jour agencé. Il n’y a aucune jouissance matérielle dans ce lieu religieux, l’uniforme ecclésiastique est imposé. Les chants se font en latin, les repas sont pris au réfectoire en silence, à l’exception d’un frère qui lit à haute voix la règle de Saint-Benoît.

Nous découvrons par ailleurs les scriptoriums, lieux dans lesquels le moine copiste reproduit des ouvrages à la main et qu’il agrémente son texte d’enluminure. Enfin, la bibliothèque devient un puits de connaissances précieux pour le monastère : un savoir détenu par des privilégiés.

Kingdom Come : Deliverance nous renvoie de manière implicite à l’alphabétisation de la société qui concerne une faible minorité.

Kingdom Come : Deliverance : un jeu vidéo qui vulgarise l’histoire médiévaleUne représentation du milieu rural au XVe siècle

Qu’en est-il des laboratores : ceux qui travaillent ? À travers le jeu, nous aurons l’occasion de parcourir la Bohème. Dès l’introduction du jeu, à Skalice, le village se compose de serfs, de vilains, de marchands, d’artisans, de mineurs, d’un forgeron, d’une charmante tavernière, d’ivrognes, de boiteux, etc.

Les femmes ont une place importante et travaillent plus que les hommes. Elles les aident aux champs et s’occupent des travaux ménagers. Les maisons sont conçues en chaume, en torchis, en bois et en pierre.

Les laboratores sont considérés comme roturiers. Kingdom Come : Deliverance nous renseigne sur l’histoire des techniques et de transport. Le forgeron (père de Henry) emploie principalement le fer, le plomb et l’acier afin de façonner, grâce à l’enclume et au marteau, diverses armes ou armures. Le forgeron a une place primordiale dans la société, car sa maîtrise artisanale lui permet de développer des relations sociales auprès des sphères aisées. D’autres métiers apparaissent comme le charpentier, le tisserand, le boucher, le boulanger et bien d’autres.

Les voies de communication au Moyen-Âge sont souvent dégradées et les voyages se limitent à quelques kilomètres. Dans le jeu, les déplacements se font à pied ou à dos de cheval. Toutefois les bandits de grand chemin : les « hors-la-loi » médiévaux pullulent les sentiers hasardeux et agressent les vagabonds.

Kingdom Come : Deliverance : un jeu vidéo qui vulgarise l’histoire médiévaleEntre alliance et conquête

Les bellatores : ceux qui combattent, regroupent les nobles (chevaliers, princes, seigneurs). Ils sont distincts des clercs et du tiers-état, car leur principe de vie se base sur l’honneur. Ils ne travaillent pas pour produire leur nourriture, perçoivent des revenus et s’entraînent au combat pour être prêts à la guerre.

Trois corps d’armes se présentent entre la cavalerie lourde, l’infanterie et les archers qui nécessitent une protection spécifique. Le jeu aborde des stratégies militaires comme la guerre de siège qui emploie la catapulte ou le bélier, mais diverses options seront offertes au joueur comme l’embuscade ou le duel.

La chasse est un sport pratiqué par les nobles en forêt. Kingdom Come : Deliverance nous propose par ailleurs une mission de chasse avec Hans Capon. Henry doit donc ramener le plus grand nombre de gibiers au campement. L’arc et le couteau de chasse sont les armes principales qui nécessitent une certaine habilité et le joueur doit faire preuve de patience lors de l’exercice.

Nous pouvons d’ailleurs saluer le travail de Warhose Studios qui a pris en compte les distinctions dans l’organisation féodale. Les personnages s’inscrivent dans un rang social bien précis et coexistent entre eux en communiquant en fonction de leur position sociale. Un exemple parmi tant d’autres, lorsque Hans Capon, ivre, dit à Henry : « Tu crois qu’on boit avec des paysans ? », afin de marquer une distance entre la noblesse et la roture.

Conclusion

Bref, l’immersion avec la Bohème médiévale semble réussie ! La conception des châteaux forts est remarquable. Comment un château fort de l’époque était-il assiégé ? Le jeu nous offre diverses stratégies afin de prendre d’assaut : l’infiltration ou la démolition. Les armes et armures sont d’un réalisme précis, sans pour autant tomber dans des modèles fantastiques. L’art médiéval est présent à travers les différentes fresques ou mosaïques religieuses. Les villages sont construits avec les matières de l’époque. Le nom des villes et des personnages coïncide avec la région historique d’Europe centrale et des populations qui y sont installées. Même si le jeu n’emploie pas la langue de la région du XVe siècle, il est agréable que les personnages usent des termes de leur époque.

Enfin, Kingdom Come : Deliverance centre son récit sur un personnage quelconque, un simple fils de forgeron. Cependant, les péripéties nous propulsent à travers les couches sociales médiévales. L’ascension sociale était-elle réellement envisageable à ce point ? Henry devient tantôt un chevalier, puis un novice au sein d’un monastère et ensuite un « sang bleu », synonyme de noblesse.

  • sydfireSydfire Contributeur
  • "En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre le pire et le moindre mal." Machiavel