Info sur le film
Titre originalKaze Tachinu
Durée126 min
GenreGuerre
RéalisateurHayao Miyazaki
Sortie22 janvier 2014

Le Vent se lève

Mère des phoques
24 février
2014

Sorti dans les salles françaises le 22 janvier 2014, Le vent se lève (Kaze Tachinu) du studio Ghibli s'avère être l'ultime film d'Hayao Miyazaki. À ses côtés, un allié de longue date, le compositeur Joe Hisaishi. Unanimement reconnus pour leurs talents artistiques, il est inutile de s'attarder davantage sur les bénéfices sonores et graphiques apportés au film.

Le vent se lève est un titre qui évoque bien des inspirations notament les derniers mots prononcés dans Nausicaa, présenté dans les salles en mars 1984, ainsi que le roman autobiographique Le vent se lève de Tatsuo Hiroà qui Miyazaki rend hommage en incluant à l'histoire un écrivain du même nom, ami de Jiro, qui l'encourage à poursuivre ses rêves. Mais aussi un vers du poème Le cimetière marin de Paul Valéry.

UN ANIME HISTORIQUE

C'est une part de l'histoire japonaise que Miyazaki retranscrit à travers son œuvre, la sombre période d'armement précédant la Seconde Guerre mondiale. Le héros n'est pas un soldat partant au front mais un ingénieur aéronautique, Jiro Horikoshi (1903-1982), aux côtés de son ami Kiro Honjo, travaillant tous deux pour la compagnie Mitsubishi. Si les inventions de Horikoshi sont bien connues, en particulier le Zéro, son enfance et sa personnalité restent vagues, quant à Kiro Honjo, les sources à son sujet sont très restreintes. Miyazaki a pris la liberté de leur attribuer des états d'âmes, des sentiments, une famille et des rêves.

Synopsis

Inspiré par le fameux concepteur d’avions Giovanni Caproni, Jiro rêve de voler et de dessiner de magnifiques avions. Mais sa mauvaise vue l’empêche de devenir pilote, et il se fait engager dans le département aéronautique d’une importante entreprise d’ingénierie en 1927. Son génie l’impose rapidement comme l’un des plus grands ingénieurs du monde.

Le Vent se lève raconte une grande partie de sa vie et dépeint les événements historiques clés qui ont profondément influencé le cours de son existence, dont le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon. Jiro connaîtra l’amour avec Nahoko et l’amitié avec son collègue Honjo. Inventeur extraordinaire, il fera entrer l’aviation dans une ère nouvelle.

Le vent se lève est un film de guerre atypique puisqu'il ne représente aucune bataille épique et sanglante, mais narre l'histoire de Jiro Horikoshi. Tout commence lors de son enfance, Jiro rêve qu'il pilote un chasseur avant de devoir s'échapper en parachute suite à une attaque ennemie. Jiro se réveille alors, tout est flou autour de lui. Pilote, il ne peut en vérité le devenir, sa vue est trop mauvaise. Loin de perdre tout espoir et soutenu par son entourage, son professeur lui prête un livre d'aviation dans lequel il découvre son idole, Giovanni Battista Caproni. Le soir-même, il le rencontrera en rêve, Caproni lui explique alors qu'il est incapable de piloter un avion mais que cela lui est totalement égal car sa passion est de construire les avions, une passion que Jiro partage désormais.

Giovanni Battista Caproni (1886-1957) était ingénieur civil et concepteur en aéronautique, il fut le constructeur du groupe Caproni, des avions Caproni Ca.3, Ca.48 mais surtout le Ca.309 Ghibli. Sa filiale créait des aéronefs pour l'armée. Giovanni Caproni obtint le titre de Comte de Telio. Le personnage de Caproni, accompagnera Jiro, en rêve, de son enfance jusqu'à la fin.

Jiro à présent étudiant à l'université impériale de Tokyo prend le train pour s'y rendre lorsque celui-ci déraille à cause du séisme de 1923. Altruiste, il porte secours à une jeune fille et sa gouvernante rencontrées plus tôt dans le train. «Le vent se lève» lui avait lancé l'enfant, ce à quoi Jiro répondra «Il faut tenter de vivre». Le séisme déclenche un incendie ravageur, Jiro rejoint l'université où il retrouve son ami Honjo tentant de sauver les livres. Le personnage d'Honjo est impatient parfois colérique, c'est aussi un ami loyal et fidèle.

Le tremblement de terre de Kanto était d'une magnitude de 7,9, engendrant de nombreuses victimes dû à la catastrophe mais aussi, pire encore, par la panique qui suivit. De fausses rumeurs à caractères xénophobes, accusent les Coréens résidants au Japon de profiter de la situation pour piller les habitants, déclencher davantage d'incendies et empoisonner les puits. Sans chercher à démêler le vrai du faux, les Japonais se divisent alors entre ceux qui protégeront les Coréens et ceux qui les tueront eux ainsi que des Chinois et des Okinawaiens qu'ils confondront avec des Coréens.

Jiro obtient son diplôme et travaille pour le compte de la compagnie Mitsubishi, son premier avion s'écrase en plein vol, l'armée japonaise se tourne alors vers la concurrence. Se relevant de son échec, Jiro voyage en Allemagne où il constate à quel point le Japon est en retard technologiquement. Avant son départ, il avait également été frappé par la pauvreté qui sévissait dans son pays. Généreux, il achète deux siberia -pâtisseries redevenues à la mode suite à la sortie du film au Japon- puis tente de les offrir à une petite fille et son frère qui effrayés partent en courant. Il raconte l'anecdote à Honjo qui se moque de lui avant de lui expliquer que le financement de leurs avions sont largement suffisantes pour nourrir les enfants japonais. Jiro oubliera vite cette histoire.

De retour au Japon, Jiro essuie à nouveau un échec lors du vol de son avion, las il prend des vacances dans un chalet où il retrouvera la petite fille qu'il avait secouru lors du séisme, Nahoko. Devenue une femme, Jiro et elle partagent des moments emplis de légèreté et d'insouciance. Tous deux s'amusent à s'envoyer un avion en papier, l'avion alors ne fait plus écho à la guerre et la destruction, dans un pays pourtant sur le point d'exploser comme le dira Castorp, un allemand pensionnaire qui prévient Jiro que la guerre approche. Jiro et Nahoko finalement s'avouent leurs sentiments amoureux, la jeune femme demande à son fiancé d'attendre qu'elle guérisse de la tuberculose pour célébrer le mariage. Le Japon a effectivement été touché par une épidémie de tuberculose dont la mère de Miyazaki sera victime.

C'est un Jiro amoureux qui retourne chez Mitsubishi où il fournira de meilleurs résultats. Malgré le fait, qu'il soit surveillé par la police secrète. Son patron Kurokawa prend la décision de le loger/cacher. Kurokawa n'a pas conscience de la puissance des sentiments amoureux de Jiro pour Nahoko. Quand il reçoit un télégramme de son futur beau-père lui signalant qu'elle a craché du sang. Le fiancé prend le dessus sur l'ingénieur qui part immédiatement pour la rejoindre avant de revenir le soir-même. Suite à cela Nahoko rejoint un sanatorium qu'elle finit par quitter pour vivre auprès de Jiro, ayant pris conscience que sans elle à ses côtés il ne peut donner le meilleur de lui-même. Le soir même de son arrivée, M. et Mme Kurokawa les unit par le mariage.

LA MORALE DE L'HISTOIRE

Jiro ne peut se résoudre à quitter Nahoko, de ce fait il travaille sur ses schémas tout en tenant la main de son épouse somnolente. Ils recevront la visite de Kayo, la petite sœur de Jiro devenu médecin qui prévient son frère que l'état de Nahoko est très grave, qu'elle doit impérativement retourner au sanatorium. Ce n'est que lorsque Jiro termine son avion, que Nahoko secrètement se décide à y retourner, non pour se soigner mais pour y mourir seule, loin du regard de son mari qui connaîtra enfin le succès pour son avion.

Le Japon explose. Âgé d'une quarantaine d'années, Jiro retourne dans ses rêves, où des avions en flammes tombent à ses pieds. Les avions sont morts mais les flammes vivantes, elles parlent, en effet les bruitages ont été réalisés vocalement. Caproni attend Jiro plus loin, un Jiro tourmenté à l'idée que ses avions ont causés des morts «Aucun n'est revenu». Caproni n'est pas le seul à l'attendre, Nahoko apparaît brièvement, s'en suit le dernier dialogue du film : Nahoko «Iketimasu, Iketimasu», prononcé chaque matin par les enfants japonais en quittant la maison, puis Jiro lui répond en larmes «Arigato, arigato» (merci, merci). Le «iketimasu» a été traduit en français par «vis ta vie» afin de refléter le vers de Paul Valéry «Le vent se lève, il faut tenter de vivre».

Ainsi s'illustre la morale du film, il faut tenter de vivre ses rêves même si cela inclut d'en assumer les conséquences. A la fin, c'est un Jiro meurtri par sa conscience qui fait son apparition et non un ingénieur transcendé par la réalisation de son rêve, son amour pour Nahoko ne l'a pas sauvée de la tuberculose. Mais Jiro doit tenter de vivre, d'aller de l'avant en sachant qu'il a réalisé son rêve même si ce rêve a été meurtrier. De par son film, Miyazaki, le pacifique, tente de se réconcilier avec toutes les personnes qui ont sciemment utilisé les ressources du Japon pour faire la guerre, notamment son père qui a fourni des gouvernails pour le Zéro. Le Zéro était effectivement un avion de chasse très rapide et léger mais garant de la mort de son pilote.

L'oeuvre se clôture alors avec Hikouki-gumo composé et interprété par Yumi Arai Matsutoya, chanteuse pour Kiki la petite sorcière. Une chanson composée il y a presque 60 ans de cela pour rendre hommage à un ami proche décédé de maladie durant l'adolescence. «Contemplant le ciel, le traversant à toute allure, sa vie est telle les traînées de vapeur».

VERDICT

Miyazaki offre un cadeau d'adieu remarquable, il dépeint l'histoire à travers un film d'animation, se voulant à la fois onirique et informatif lorsque sont mis en œuvre les ateliers et le travail fournis pour la création des chasseurs.

Je dédie ma critique à la personne se trouvant à mes côtés lors de la découverte du film et m'ayant aidé pour mes recherches.

  • Gallinulus Pinguis Sainte-Mère des bébés phoques, Rédactrice, Testeuse, Chroniqueuse
  • "Personne ne peut longtemps présenter un visage à la foule et un autre à lui-même sans finir par se demander lequel est le vrai" Nathaniel Hawthorne